Traduit magistralement par le sinologue Pierre Ryckmans (Simon Leys), Les propos sur la peinture du moine Citrouille-Amère est un livre à placer sur l'étagère des chefs d'oeuvre. Nous sommes ici en présence de l'un des sommets de la pensée esthétique chinoise et de la pensée esthétique tout court. Par sa forme et sa composition, ce livre de Shitao est un ouvrage qui se présente extérieurement comme un manuel de peinture. Composé de 18 chapitres, l'oeuvre propose une réflexion d'ensemble sur la création au sens large du mot.
Dans ce traité composé de dix-huit chapitres, si de nombreuses pages sont consacrées à l'aspect technique de l'art pictural, d'autres chapitres sont constitués de réflexions sur la signification même de la peinture. À quoi vise-t-elle ? En quoi consistent ses valeurs et sa grandeur ? Shitao tente de relier la peinture à la conception cosmologique chinoise, en replaçant l'activité picturale dans le devenir du Cosmos (ou Ciel-Terre). Il assigne au peintre, et à travers lui à l'homme, une mission presque sacrée : sa participation à l'oeuvre de la création, au point d'affirmer que «montagnes et fleuves m'attendent pour s'exprimer». Sous cet angle, il me fait presque penser à Léonard de Vinci. Sa célèbre théorie de «l'unique trait de pinceau» est fondée sur l'idée que le trait - qui n'est pas une simple ligne mais une unité vivante (faite de pleins et déliés) - est l'équivalent du Souffle par lequel l'univers s'est créé... Il faut louer le travail de Pierre Ryckmans, l'un de nos meilleurs sinologues, dont la traduction et les commentaires du traité de Shitao sont tout à fait fidèles au texte et à son esprit. Shitao est un grand poète, son écriture est portée par un haut style et une éloquence que Ryckmans a admirablement réussi à restituer.
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